Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BONA TEMPLORUM

BONA TEMPLORUM

BONA TEMPLORUM. Biens attribués aux temples considérés comme établissements publics. Pour les Grecs nous renvoyons à l'article FANUM. Ces biens doivent être distingués des res sacrae ou botta deorum. La fortune des édifices sacrés du peuple romain se composait principalement d'immeubles productifs (ager sanctus, praedia, agri ou boisa templorum),dont la jouissance leur était concédée. Cependant l'entretien des temples, comme celui du culte en général, était encore assuré par les offrandes mobilières [noNABIA] des particuliers et par des subventions du trésor public. Tite-Live nous apprend que les vestales eurent dès l'origine un revenu fourni par le peuple, et peut-être en nature, ou bien l'État faisait les frais de l'administration de leurs biens'. Les augures obtinrent aussi plus tard une subvention ', et les curions un traitement4 (curionium aes). Les prêtres jouissaient d'ailleurs de l'excédant de terrain concédé au temple, au delà de l'espace nécessaire pour les édifices et leurs accessoires [rANUM] 8. Nous ne parlerons que très-succinctement du concours du trésor: il n'avait lieu que pour les sacerdotes et les sarra publicapopuliromani; le trésor se chargeait des dépenses relatives aux victimes et aux festins à la réparation, à la reconstruction ou à la création des édifices du culte. Des crédits étaient alloués parle sénat et les fournitures ou travaux adjugés aux enchères publiques, au rabais, par les censeurs', ou, dans certains cas, par les édiles [AEMLts, CENSOR ; OPUS PUBLIGU31] 9. Le sénat votait aussi annuellement le crédit destiné aux frais ordinaires du personnel et des cérémonies des temples 9, au logement du grand pontife Comment s'était formée l'espèce de patrimoine des temples, ou plutôt la masse des biens dont ces établissements avaient la jouissance indéfinie? Les immeubles leur furent d'abord assignés par les rois ", puis par le sénat et le peuple qui seuls pouvaient disposer du domaine de l'État [4GER Puarmusj, puis par des particuliers, avec l'autorisation de l'État et la eonsecratio en forme, s'il s'agissait de res sacrae seulement. Sans doute le sol du temple, des chapelles et des bois sacrés [FANus, summum, LucUsl, après la consecratio opérée annuellement avec le consentement du peuple [CONSECRATIO] " devenait res nullius et sacra, chose sacrée Tant qu'il n'y avait pas eu exaus7loratio, le sol, même après l'écroulement de l'édifice ", conservait son caractère de chose hors du commerce, inaliénable et imprescriptible "i3 [DES]. L'acte de dedicatio du temple (lex templi), contenait le procès-verbal où étaient énoncés, entre autres choses, l'étendue du terrain et ses limites, le mode d'exploitation du bois sacré, etc. ". Toute violation des choses sacrées était punie comme un crime spécial et le vol des meubles ou de l'argent des temples sous le nom de sacrilége [SACRILEGIUM] ; la possession des res sacrae des temples était d'ailleurs protégée par des ordonnances appelées interdits prétoriens u [IN'TERDICTUM]. Les temples avaient des trésors qui, outre les offrandes et objets d'art consacrés, renfermaient des valeurs déposées par les particuliers. Trop souvent ces trésors furent pillés soit par l'ennemi du dehors ou par des pirates, soit dans les guerres civiles, et même par ordre des triumvirs ou de certains empereurs 48. 11 faut se garder de confondre les biens consacrés mobiliers ou immobiliers des temples (botta deorum, ou divini juris res nullius), avec les domaines affectés par l'État, par un particulier ou par une cité à leur entretien. Ces possessiones demeuraient dans l'origine biens de l'État ou de la cité 1B, agni reipublicae, car l'idée d'une personnalité purement civile ou juridique attribuée à un être moral, considéré comme capable de propriété, ou n'était pas encore bien élaborée, ou n'avait pas été étendue même aux corporations autorisées (eollegia licita), ce qui d'ailleurs n'eut lieu ensuite que par voie de concession individuelle et spéciale É0 [coLJ.EGiuM]. Les prêtres des temples publics n'obtenaient que la possession indéfinie des terres concédées par l'État", possession d'ailleurs révo BON 728 BON table ; ce qui semble analogue à la concession que l'on nommait précaire en droit romain [PRECARIU111]. Le sol même des bois sacrés 22 demeurait la propriété du peuple. La possession des biens livrés aux prêtres des temples pour les frais des cultes était sans doute protégée contre les empiétements ou usurpations par les mêmes interdits que celle des concessionnaires du domaine de l'Etat 23 [AGER PUBLICUS]. Mais les prêtres n'étaient pas les administrateurs des biens des temples d'après Mommsen, et ils ne pouvaient exercer l'action en revendication (rei vindicatio), puisque la propriété n'appartenait pas à ces établissements [DOMINIUM]. L'État seul eût pu agir par ses fonctionnaires pour réclamer les LOCA PUBLICA 24, en s'appuyant sur un droit de maîtrise. En effet, dans des circonstances urgentes, l'État romain retira ces concessions; c'est ainsi qu'au commencement de la guerre de Mithridate, il reprit et vendit pour neuf mille livres d'or la plus grande partie des terrains concédés aux pontifes, aux augures, aux décemvirs et aux flammes dans les environs du Capitole °. Jules César fit vendre également les biens de plusieurs templesR. Mais ce retrait n'avait lieu qu'exceptionnellement. D'ordinaire, le censeur ou l'édile de chaque cité subvenait à la plupart des dépenses par des adjudications, au moyen des revenus des fonds concédés par l'État ou par des particuliers, plus tard ce fut le grand pontife. il nourrissait notamment les esclaves publics qui étaient fréquemment attachés au service du temple'' [SERVI PuBLICX], etc. Ces fonds furent donnés à bail, à Rome, par le grand pontife, assisté des curateurs de son trésor 23. Lorsque la royauté fut abolie, ce prêtre cessa de se confondre avec le chef de l'Etat, mais il ne reprit que par la suite l'administration des biens qui restèrent affectés au temple. Le plus souvent ils étaient loués à long terme 24 [AGER VECTIGALIS], et le fermage (pensio, redites) versé à la caisse du pontife (arca ou aerarium ponta ficum). Du reste, le mode d'administration était probablement réglé par l'acte de fondation, comme on le voit dans la lex dedicationis des Aedes Jovis Liberi dans le bourg de Furfum près Peltuinum, en 58 av. J.-C. ou 696 de Rome 3°. Outre les donations que les particuliers faisaient au trésor du grand prêtre, il pouvait recevoir le produit de certaines confiscations ou amendes. Dans l'origine, les biens des condamnés frappés d'anathème(sacratio capitis) al étaient assignés au temple de Cérès [BORA DAMNATORCM], au cas notamment où il y avait eu violation d'une loi sacrée 32 (tex sacrata). Plus tard la confiscation ne tourna plus qu'au profit de l'Etat, au cas de peine capitale [coNsisCATIO, PUBLICATIO]. Mais certaines amendes durent être versées immédiatement ou par les soins des triumvirs capitaux dans la caisse du grand pontife 33 [MULCTA] ; il en fut ainsi primitivement du montant des gageures perdues par les plaideurs qui succombaient dans l'antique procédure civile du sacramentum n [LEGIS AcTIO] ; ces deniers étaient destinés aux frais des sacrifices; pour l'administration de la caisse placée chez le grand pontife, parfois intervenaient les préfets de l'aerarium et parfois le pontife employait des officiers nommés IV viri ad aerarium 55, et qu'il ne faut confondre ni avec les caissiers de son épargne privée 3a (arcariï), chargés de gérer ses propres deniers, pecunias privatas et fortuites, ni avec les curateurs des biens des temples 57 Sous l'empire, les temples continuèrent à jouir de leur dotation mobilière ou immobilière, soit à Rome, soit dans las villes municipales d'Italie et des provinces. Dans celles-ci, à plus forte raison, où le sol n'était pas susceptible de propriété quiritaire 3s, les prêtres des temples ne purent avoir, pour leurs immeubles productifs, qu'une possession garantie par l'intervention d'un interdit. Néanmoins la personnalité civile 39 des temples, dut tendre à se dégager sous l'empire. En les assimilant à des corporations (collegia licita), le prince put autoriser certains d'entre eux à former un corps (corpus habere) 4e et à posséder directement des biens distincts de ceux des prêtres. Cela est d'autant plus probable qu'Auguste, qui réorganisa le régime des associations 41 (Lez Julia de collegiis) se montra favorable au recouvrement des biens des temples ; une inscription constate qu'il avait fait tracer le plan d'une concession de biens donnés à un temple de Diane, dont les limites furent restituées ensuite par Vespasien En pareil cas, le temple autorisé à acquérir comme personne morale dut accroître ses immeubles par achats, échanges, ou donation entre-vifs. Mais il était encore impossible d'instituer héritière une personne incertaine, qui n'aurait pu, pas plus qu'une cité, faire acte d'adition d'hérédité, ni recevoir un legs i3. Mais on employait la voie détournée des fidéicommis. Hadrien restreignit cette faculté par un sénatus-consulte qui étendit aux fidéicommis les règles sur la capacité de recevoir des legs L4; toutefois les esclaves publics purent instituer leurs cités, et un sénatus-consulte permit de leur rendre une hérédité fidéicommissaire, puis de leur faire des legs. Bientôt des sénatus-consultes et des constitutions impériales permirent d'instituer héritiers certains dieux, c'est-à-dire leurs temples 43, notamment Jupiter Tarpéien, Apollon de Didyme, Mars en Gaule, Minerve à Ilion, Hercule de Gadès, Diane d'Ephèse, la mère des dieux Sipylensis à Smyrne et Cælestis Saliniensis ou Séléné à Carthage. Cela entraîna le droit de laisser des legs à ces temples et, à plus forte raison, des fidéicommis b6. Les empereurs s'occupèrent plusieurs fois de la BON 729 BON législation des temples : on sait notamment que leur droit d'asile fut réglementé sous Tibère " [ASYLUM] ; Vespasien fit restituer ses limites au temple de Diane de Tifate, comme on l'a vu plus haut"; Auguste avait amélioré la position (commoda) des prêtres et notamment des vestales t9. Les écrivains agraires (gromatici, rei agrariae scriptores) mentionnent plusieurs fois les terres (agri vectigales) des vestales 50 ; il est souvent question dans les textes et les inscriptions des revenus des temples (vectigalia templorum)51. L'administration dut en être organisée plus régulièrement depuis qu'ils eurent obtenu, ou au moins, certains d'entre eux, la personnalité civile. Le bail des immeubles de l'Église devint l'emphytéose au bas-empire 52. L'on rencontre dans les inscriptions des preuves fréquentes de l'existence de la caisse des pontifes, caisse centrale suivant M. Mommsen (arca Ponti fïcum 53 ou aerarium Ponti ficum 54), et parmi les agents un praefectus aerariï Ponti fcum 55, un scriba pub lieus Ponti fzcum et curator aerarii 56 ; Marini cite aussi des IV viii ab aerario pontificum 57 ; mais, comme on l'a fait remarquer 58, quelquesuns de ces textes se rapportent à la ville de Nîmes, où ils peuvent désigner une dignité municipale, et d'autres sont suspects. Un texte paraît supposer que la caisse des pontifes concédait parfois des terrains pour la sépulture 59. On trouve encore une caisse des vestales (arca vestalium), implicitement supposée par un paiement à faire à celle-ci 60; peut-être se confondait-elle avec celle des pontifes 61, dont elle aurait formé une section. Les possessions des temples comprenaient des bois sacrés [Lucus], où parfois, comme dans celui de Junon Lacinienne près de Crotone, on entretenait des troupeaux produisant un revenu considérable 62 ; des pàturages [SALTUS], des terres arables [PRAEDIUM 63], des vignobles, des étangs et des forêts, etc. Dans les provinces, les biens des temples non érigés en personnes morales étaient réputés appartenir à la cité dans le territoire de laquelle ils étaient situés 64. Des associations ou confréries (sodalitas), créées à l'occasion d'un culte nouveau dans un temple spécial (collegium templt) °o, y célébraient des sacrifices et des festins, comme le collége des marchands (collegium mercatorum) au temple de Mercure, qui solennisait sa fête le jour anniversaire de la fondation du temple 66. Ils déléguaient, ou les magistrats ou les redemptores choisissaient pour en prendre soin un gardien ou agent 1. payé par l'État nommé AEDITUUS87, peut-être identique au curator tenzpli souvent mentionné dans les inscriptions 68, mais non aux curateurs des temples en général (curatores aediunz sacrarum, locorum et operum publicorum tuendorum es). I1 y avait, dans la province de Sicile, un temple du peuple romain, celui de Vénus sur le mont Éryx, et dont la caisse était administrée par le questeur 40. Mais on connaissait aussi des temples de toute une province [COMMUNE ou Ii01NON]. En outre, Auguste et ses successeurs autorisèrent les provinces à élever des temples à Rome et à Auguste 71, pour lesquels certaines régions formaient un groupe de cités associées, con.ciliuln provinciae, ainsi qu'il advint à Lyon. Ces temples eurent leurs revenus, formés au moyen des contributions volontaires des villes ou des dons des particuliers", et leur caisse spéciale (arec Galliarum), sous la surveillance du grand prêtre ou flalnen provinciae, nommé aussi sacerdos provinczâe70 et peut-être, en Asie Mineure, ARCHIEREUS14. Ces temples durent aussi posséder des immeubles productifs ; ils avaient certainement des esclaves qui parfois étaient affranchis (trium Galliarum libertus) 7°, et l'on trouve mentionnés comme administrateur de la caisse un allec_tor arcae Galliarum, un inquisitol' Galliarum, un judex arcae dre compte au conseil provincial (concilium provinciae) i9. Dans certaines cités, des fonds de terre étaient affectés aux dépenses de jeux publics 79 reliés à des cérémonies religieuses. Les prêtres qui présidaient à ces luttes [AGONOTHETA] 80 recevaient parfois les captifs et notamment les chrétiens à livrer aux bêtes B1. Ces fonctionnaires sont en effet rapprochés des A.sianques [ASIARCnA], Alytarques [oLVMPIA], etc., dans une loi d'Honorius et de Théodose, relative à la dépense des jeux 62, et dans plusieurs autres textes, des grands prêtres des provinces Â3; leur charge (munus) est nommée riy°Ivoîaaia 84; nous sommes donc porté à admettre que les agni agonothetici rentraient dans la classe des biens des temples dédiés à Rome et à Auguste, et qui contribuaient à ces frais avec les immeubles des sénateurs et des riches curiales 86 Le patrimoine des temples que certains empereurs n'avaient pas épargné 8° se conserva ou s'accrut sous quelques-uns d'entre eux plus zélés pour la religion. Tels furent, par exemple, Claude, Domitien, Hadrien, `d espasien, Septime-Sévère 87 et Aurélien 88, à la différence des princes 92 BON 730 BON qui ne craignirent pas de dépouiller les temples au profit du fisc ou au profit de certains d'entre eux seulement 89. Les églises chrétiennes, loin de posséder la personnalité civile pendant la domination des empereurs païens, durent souvent déguiser leur existence 90. Cependant elles eurent en fait des revenus et des biens qui étaient considérés d'abord comme communs aux membres de l'église et on put leur léguer, ut singuli, d'après la doctrine du jurisconsulte Paul 91. II paraît que ces revenus furent en partie confisqués par les princes persécuteurs, notamment par Décius, Dioclétien et Maximien. Ladécadence des temples païens, manifestée dès longtemps avant Constantin par la rareté des sacrifices, des offrandes et des donations ou legs, se précipita dès l'avènement de cet empereur sous l'influence d'un gouvernement et d'une législation hostiles. Ce prince, qui dès 311 avait rendu un premier édit de tolérance 91 en faveur du christianisme ", le renouvela en 312 et en 343 94. Un rescrit de cette dernière année, inséré au Code Théodosien, rappelle déjà l'existence de priviléges concédés aux clercs 92. En 315, Constantin suppose qu'il a déjà accordé aux églises catholiques l'exemption des charges et impôts"; il facilite l'affranchissement de leurs esclaves en 32197, et, attribue aux évêques une certaine juridiction en matière civile (episcopalis eudientia) 96; en 321 il donne encore aux églises la capacité de recevoir; dès que cet emnercur eut professé publiquement le christianisme, en 324, s'ouvrit L'ère d'une législation restrictive du paganisme 99. Déjà le fondateur de Constantinople avait dépouillé depuis deux ans, an profit de la nouvelle capitale, plusieurs temples de Grèce et d'Asie X00. Il ferma, par des motifs de morale, des édifices sacrés en Phénicie et notamment le temple de Vénus, souillé par de honteuses débauches 101. Mais sous les successeurs de Constantin, la ferveur des populations chrétiennes des villes 402 commença à s'attaquer aux temples eux-mêmes et poussa les empereurs voie de la persécution. Dès 341, Constance inters offrandes sous les peines les plus graves 103 et les rifices nocturnes, autorisés encore par Maxence, sont de nouveau interdits en 353 f02. Pour mettre un terme aut, démolitions irrégulières, par le peuple, de monuments précieux, Constance et Constant, en 346, ordonnent de conserver les temples situés hors des villes, à raison aussi des jeux publics qui y sont célébrés 10s. Mais en 346 ils en viennent à prescrire la clôture de tous les temples et à interdire les offrandes sous peine de mort 208. La date de cette constitution est toutefois re portée par certains auteurs 107 à l'année 353. Quelques savants soutiennent en outre qu'elle n'aurait été qu'un projet inséré après coup dans le code Théodosien et que le culte païen se maintint beaucoup plus tard 1GB. On peut admettre qu'elle fut adressée en 353 au préfet du prétoire Taurus, pour l'Orient seulement 209 et non exécutée à raison des circonstances et des troubles intérieurs. Dans tous les cas, l'avénement en 360 de Julien l'Apostat dut avoir pour effet d'amener l'abrogation de cette loi 210. Cet empereur, fervent restaurateur du paganisme, rendit plusieurs ordonnances, non admises ensuite dans le code Théodosien, pour faire rebâtir les temples détruits en certains lieux et rendre leurs possessions à ceux qui en avaient été frustrés. Il décréta d'abord l'ouverture des temples païens et le rétablissement des sacrifices 222, puis il rendit à leurs prêtres les priviléges dont ils avaient été précédemment dépouillés 122; il les dota des biens du fisc et leur transféra les subventions accordées aux membres du clergé chrétien sur le trésor public, en enlevant à ceux-ci leurs immunités 18, ainsi que la capacité de recevoir des dons ou des libéralités testamentaires 114. Julien leur interdit même tyranniquement l'enseignement de la grammaire et de la rhétorique 115. Il ordonna la restitution des édifices abandonnés à des particuliers sous divers prétextes 118 et le rétablissement des ternples détruits, aux frais des individus qui en avaient provoqué la ruine sans autorisation officielle, alors même qu'une église avait été construite sur leur emplacement. L'exécution sans ménagement de ces diverses mesures souleva des troubles assez graves 77; elles donnèrent lieu à des poursuites violentes contre certains évêques 126, tels que Marc, évêque arien d'Aréthuse et contre les auteurs prétendus de l'incendie du temple à Daphné près d'Antioche, et à la confiscation de la cathédrale de cette ville 219. Il y eut des émeutes accompagnées de massacres de chrétiens à Gaza, Ascalon, Césarée, Héliopolis, etc.'20 ; on vit se succéder le meurtre de l'évêque arien d'Alexandrie, George de Cappadoce 182, des désordres à Édesse suivis de la confiscation des biens de l'église de cette cité 723. La destruction par une émeute de l'autel de Cybèle à Pessinonte et du temple de la Fortune à Césarée en Cappadoce fut cruellement vengée par Julien 133, qui alla même jusqu'à tenter de saisir l'église de Naziance 134. La tentative de restauration du paganisme par Julien devait fatalement échouer. Elle fut suivie après sa mort, en 363, d'une réaction dont l'énergie s'accrut graduellement, mais qui fut d'abord assez modérée sous Jovien BON 731 BON (364-375) et Valens (375-378)1"5. Cependant, en 364, Valentinien et Valens reprirent les possessions du fisc livrées aux temples par Julien 1"6. A partir de 381, plusieurs constitutions de Valentinien et Gratien, dont l'une notamment paraît avoir ordonné la confiscation de tous les biens des temples 127, renouvelèrent et généralisèrent les prohibitions antérieures contre le culte païen 126 En 382, Gratien abdiqua le titre de grand pontife que les empereurs avaient conservé si longtemps 1"9, et reprit le cours des persécutions contre les païens 13o L'autel de la Victoire, exclu par Constantin de la salle du sénat et rétabli par Julien, en fut de nouveau écarté 131; enfin, sous le même règne, les vestales perdirent leurs possessions 132 et ces mesures furent confirmées par Valentinien II en 384133 Mais c'est par Théodose I°° que le paganisme fut le plus énergiquement attaqué. Maître de l'Orient en 379, il réunit, après la mort de Valentinien II (392) et de son successeur Eugène (en 394), l'empire tout entier sous sa domination. Dès 387 avait commencé en Syrie et en Égypte la destruction systématique des temples païens 136 ; en 389 le Sérapéum d'Alexandrie fut rasé et toutes les statues de métal fondues en Égypte pour être appliquées aux besoins du culte chrétien. Une partie des édifices d'Orient sont transformés en églises ; en 391 la fréquentation des temples et les offrandes sont également interdites dans les provinces d'Occident43J, et en 392 on défend même les sacrifices domestiques 136 ce qui n'empêcha pas le maintien des jeux et des fêtes autrefois reliés au culte 137 en 394 les temples perdirent toutes leurs dotations 133 Même à Rome, les prêtres furent chassés des temples que l'on ferma 133. A la mort de Théodose en 395, ses fils Honorius et Arcadius n'eurent plus qu'à poursuivre les derniers restes du paganisme. Dès la même année ils renouvellent la prohibition du culte païen, avec des peines plus graves contre la tolérance des gouverneurs 1M; en 396, ils suppriment tous les priviléges des prêtres païens 161. Les mêmes empereurs en 397 affectent les matériaux des temples démolis en Orient à la réparation des voies publiques, des murailles des villes et des aqueducs '49. C'était encourager la destruction ; aussi sont-ils forcés de défendre en 399 la spoliation des ornements des édifices publics en Espagne 143 Mais ils permettent en Orient la destruction sans tumulte des édifices placés dans les campagnes 144, ce qui fut continué même à Carthage 145, puis interdit par un rescrit adressé au proconsul d'Afrique 176. Comme on avait main tenu certains jeux publics ou fêtes 149, il fallut laisser affectés à cet objet les fonds de terre qui avaient en (tette destination 143. Le zèle des populations généralisa l'oeuvre de destruction des édifices païens 149; en 408, les empereurs ordonnèrent le renversement des statues, et sécularisèrent tous Ies temples en affectant leurs revenus aux dépenses de l'armée et les bâtiments aux usages publics 150. En 412, Théodose le Jeune dissout les antiques confréries religieuses" ; en 445, il renvoie dans leur pays tous les prêtres païens des métropoles d'Afrique et confisque les biens restants des temples 1''. Cependant un grand nombre de ces domaines avaient été donnés par les empereurs à des solliciteurs 153 (petitores) ou aux cités dans le territoire desquels ils étaient situés. Dans beaucoup de cas, c'est la ville°qui avait doté le temple à l'origine qui aurait eu droit de réclamer ces biens ; quelquefois ils furent attribués aux églises chrétiennes. Quoi qu'il en soit, toutes ces donations sont confirmées n par le rescrit de 415. Les païens eux-mêmes furent exclus en général des honneurs en 417155; en outre, les princes rappellent en 423 les lois prohibitives a leur égard 158, si toutefois ii en reste encore ; on leur interdit l'exercice de leur culte sous peine d'exil et de confiscation 15' ; mais quand ils se tiennent tranquilles, les lois ne permettent pas de les persécuter 156 ou de les piller, En 435, Théodose est encore obligé de prohiber sous peine de mort l'exercice du paganisme et prescrit la destruction des temples 1"9. Quelques traces du paganisme clans les campagnes amenèrent encore de la part de Valentinien III et de Marcien des lois de persécution en 451160 et de la part de Léon en 467161 ce qui n'empêchait pas le vieil usage des augures d'être employé par les consuls chrétiens au v° siècle 16". La fête des LuPIRCALIA fut seulement abolie à Rome en 494163 et en 529, le dernier temple d'Apollon dans cette ville fut transformé en un cloître 166. Des restes plus considérables du paganisme se maintinrent longtemps en Égypte 165. En sens inverse le droit d'acquérir par donation ou testament reconnu aux établissements religieux chrétiens par Constantin dès 321 168, avait été de nouveau proclamé dans les codes de ses successeurs167. Plus tard même Justinien permit d'instituer par testament le Christ, les°archanges et les martyrs, et détermina les établissements appelés à prc-• fiter de ces libéralités'". Les immeubles destinés à l'entretien du culte chrétien (praedia usïéus coelestium secretorum dedicata) avaient d'abord reçu de Constantin l'immunité complète 169 ; puis cet empereur concéda aux BON -732BON clercs eux-mêmes (clerici) l'exemption de toutes les charges civiles, afin qu'ils ne fussent pas détournés du service divin, ce qui fut étendu aux clercs inférieurs 170; cela comprenait les charges sordides [MUNus], l'impôt des patentes, les charges curiales, et autres du même genre 171. Quant aux charges réelles, les biens de l'Église furent seuls exemptés, et ceux des clercs demeurèrent soumis aux impôts'71. Mais l'immunité des domaines de l'Église fut si préjudiciable au trésor qu'il fallut bientôt revenir sur cette concession 173, sauf pour quelques églises à Rome, etc., et saint Ambroise reconnut la légitimité du tribut 474, confirmée par la novelle 37 de Justinien. L'immunité des charges sordides et des impôts extraordinaires, tels que l'entretien des ponts, la réparation des chemins, les transports, subsista 170 pour l'Église et les clercs ; mais plus tard même elle fut modifiée en ce sens que les biens de l'Église durent contribuer à la réparation des ponts et des routes 176, et aux transports nécessaires pour les expéditions du prince "' [cunsus PuBLICUS]. En 451 Valentinien III et Marcien confirmèrent toutes les allocations en nature attribuées aux églises par leurs prédécesseurs m : Salaria quae in diversis speciebus de publieo sacrosanctis ecelesiis hactenus ministrata sunt. Léon et Anthémius interdirent en 470 à tout évêque ou économe chargé d'administrer le patrimoine d'une église, d'aliéner de celle-ci les immeubles ou les colons y attachés 1". Néanmoins Anastase admit assez d'exceptions à cette règle pour la compromettre dans la pratique 180. Les donations faites à l'Église furent valables indépendamment d'acte et d'enregistrement (insinuatio), quand elles n'excédaient point 500 solidi13' ce qui devint ensuite le droit commun 152. Mais Justinien défendit de transférer aux églises les produits destinés à l'entretien de l'armée 183 [ANNONA MILITAnts]; il ne permit pas en revanche de leur opposer les prescriptions de dix, vingt ou trente ans, mais seulement celle de cent ans 1A4, réduite plus tard à quarante ans 185. Quand un décurion laissait un bien à l'Église à titre gratuit, la curie ne put exercer à ce sujet son droit de prélèvement 186e Justinien crut devoir renouveler la défense d'aliéner et d'hypothéquer les choses sacrées (res sacrae), si ce n'est les meubles, et dans trois hypothèses seulement, savoir, pour payer les dettes de l'établissement, pour racheter les captifs et pour nourrir les pauvres en cas de famine'. Enfin cet empereur modifia, quant aux immeubles du patrimoine des temples, les règles antérieures, par trois novelles, rendues en 535, 537 et 544, et trop étendues pour être analysées ici 188. G. HUMBERT.